III. APPORTS RÉCENTS DU DROIT EUROPÉEN
La Directive 2009/81 sur les marchés publics de défense et de sécurité (MPDS) définit
le cadre d’un régime de passation de marché spécifique au domaine de l’armement
qui tente d’apporter une réponse aux exigences de transparence, de sécurité et
de souplesse tout en offrant des opportunités en matière de recherche et
développement et de sous-traitance, même si des exemptions demeurent possibles.
A. Un cadre « vertueux »
La Commission souhaite
promouvoir un référentiel commun de normes en collaboration avec l’Agence
Européenne de Défense (AED) dans le but de faciliter l’ouverture des marchés.
Il s’agit d’établir un climat de confiance mutuelle entre les États membres au
moyen de mesures garantissant la transparence mais aussi la sécurité des
informations sensibles. La sécurité des approvisionnements, consubstantielle de
toute notion de défense, sera également prise en compte et vérifiable, elle
constituera un critère de sélection. Les critères de sélection des candidats
contribueront également à la sécurité en permettant d’écarter les entreprises
douteuses. Enfin, le système de passation des marchés apparaît équilibré en ce
qu’il offrira une plus grande souplesse pour les entités et pouvoirs
adjudicateurs tout en autorisant des possibilités d’indemnisation et de recours
pour les soumissionnaires éliminés sans pour autant mettre en péril les
intérêts des parties.
1) Transparence et confidentialité
Dans la communication relative à sa « stratégie pour
une industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive »,
la Commission rappelle sa volonté d'instaurer « un climat de confiance mutuelle
renforcée entre les États membres » : la sécurité de l'information et la
sécurité d'approvisionnement y sont citées parmi les principales mesures qui
visent à améliorer l'ouverture et la compétitivité des marchés de défense dans
l'Union[1].
La protection des renseignements dont un État membre
« estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa
sécurité » est très souvent invoquée par les États membres qui utilisent
selon la Commission le recours à l'article 296 du TCE (désormais Article 346 du
TFUE) pour échapper à l'application des règles européennes relatives aux
marchés publics. C'est pourquoi la directive 2009/81 propose dans son article
22 un certain nombre de mesures et d'exigence relative à la sécurité des
informations classifiées. Le pouvoir adjudicateurs ou l'entité adjudicatrice
peuvent ainsi exiger, dans les documents du marché, un engagement du
soumissionnaire et des sous-traitants sur l'application de telles mesures ainsi
que la possibilité, pour le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice, de
déterminer si les sous-traitants possèdent les capacités requises pour leur
application. La Section 2 de la directive prévoit ainsi des critères de
sélection qui reposent sur les capacités et aptitudes des candidats ou des
soumissionnaires mais aussi sur leur « situation personnelle ». Il
est ainsi possible d'écarter des candidats ayant fait l'objet de condamnations
en raison de délits affectant leur moralité professionnelle, d'activités criminelles,
de corruption, de fraude ou encore ayant participé ou soutenu des activités
terroristes. Sera également écarté tout candidat qui a commis une faute grave
dans ses obligations en matière de sécurité de l'information. L'article 42
relatif aux capacités techniques et/ou professionnelles des candidats préconise
pour sa part la production de preuves justifiant la capacité du candidat ou
soumissionnaire à traiter, stocker et transmettre des informations classifiées
au niveau de protection approprié.
La directive décrit également dans son article 36 les règles
applicables aux communications dans le cadre de la publication des avis de
marché qui stipule que « les communications, les échanges et le stockage
d'informations sont faits de manière à assurer que l'intégrité des données et
la confidentialité les demandes de participation et des offres soient
préservées ». Au plan technique, des outils comme la signature électronique ou
le contrôle d'accès sont autorisés et les garanties minimales attendues sont
décrites dans l'annexe VIII de la directive.
Les mesures de sécurité de l’information préconisée par la
directive ne poseront probablement pas de problème de mise en œuvre côté
français ou l'application du code des marchés publics, la publication et la
gestion des appels d'offres électroniques sont largement utilisés depuis
plusieurs années. Toutefois, le déploiement à l'échelle européenne de ce
« dispositif de confiance » ne semble pas de nature à influencer,
sinon à la marge, l'appréciation des pouvoirs adjudicateurs et des entités
adjudicatrices nationales sur l'opportunité de déroger à la protection offerte
à nos intérêts essentiels de sécurité par le recours à l'article 346 du TFUE
(ex-article 296 TCE).
En ce qui concerne la capacité des candidats ou
soumissionnaires à assurer la protection des informations sensibles ou
classifiées, il conviendra d'appliquer à la lettre les préconisations de la
directive afin d'obtenir des garanties de nature à faciliter les échanges
d'informations technologiques entre titulaires d'un même marché. En effet, on
observe parfois des réticences sur ce point entre des entreprises de même
nationalité quand il s'agit par exemple de transmettre au partenaire des
spécifications nécessaires à l'interopérabilité avec un système tiers. À
défaut, les litiges pourraient se multiplier et générer des retards pour les
programmes complexes. On notera au passage que l'industrie française de
l'armement est à même de proposer un certain nombre de solutions techniques en
matière de sécurité de l’information, marché en pleine croissance soumis à une
concurrence acharnée sous leadership américain.
2) Sécurité des approvisionnements
Si la sécurité d'approvisionnement contribue selon la
Commission à améliorer l'ouverture et la compétitivité des marchés, elle
constitue pour les États souverains une exigence cruciale pour la disponibilité
de leurs équipements de défense, comme rappelé dans les considérants 8 et 9 de
la Directive 2009/81.
L’aptitude d’une entreprise à répondre à ce type d’exigence
dépend de ses capacités industrielles mais aussi des possibilités de transfert
entre États[2], qu’il
s’agisse du produit final d’un intégrateur ou des composants et sous-systèmes
produits par ses fournisseurs.
Les décisions des États en matière d’investissement peuvent
également favoriser le développement de certaines capacités industrielles,
c’est pourquoi ceux-ci doivent favoriser sur leur territoire certains secteurs
jugés stratégiques et éviter de dépendre dans ces domaines de fournisseurs
étrangers.
Conformément aux termes de
l’article 23 de la directive, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice
peut assortir l’offre de certains éléments qui précisent ses exigences en
matière de sécurité d’approvisionnement. D’après le considérant 40, ces
exigences peuvent concerner les droits de propriété intellectuelle entre une
société et ses filiales ou « la fourniture de capacités critiques
d’entretien et de révision afin d’assurer la maintenance des équipements
achetés tout au long de leur cycle de vie ». Toutefois, la directive n’est pas
exhaustive et laisse toute liberté de définir des critères au cas par cas,
comme pour la sélection des soumissionnaires qui peuvent se voir exiger des
preuves de leurs capacités techniques et/ou professionnelles (article 42).
L’utilisation de critères de
sélection stricts en matière de sécurité des approvisionnements ne dispense pas
pour autant de respecter le principe de non-discrimination en offrant un
traitement égal aux candidats et aux soumissionnaires - ainsi, la nationalité
ne peut pas constituer à elle seule un critère de sélection, même si elle peut
conduire à écarter des candidats en appliquant des règles strictes de
proportionnalité dans un contexte de restriction de l’accès au marché.
Quoiqu’il en soit, toute décision d’exclure tel type de fournisseur devra être
dûment justifiée.
Les exigences en matière de
sécurité des approvisionnements seront exprimées le plus souvent en termes de
délais et de quantités.
Conformément aux articles 38 à 46
de la directive, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice doivent
établir la capacité et l’aptitude des opérateurs à partir de critères de
légalité ou de moralité, de critères relatifs à leurs capacités économiques et
financières et à leurs connaissances ou capacités professionnelles et techniques.
Le considérant 67 rappelle à ce propos que « la fiabilité des
opérateurs économiques qui obtiennent des marchés est cruciale » et
qu’elle « dépend notamment de leur capacité à répondre aux exigences
imposées par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice en matière de
sécurité d’approvisionnement et de sécurité de l’information ».
L’article 39 propose dans son
premier alinéa des critères d’exclusion obligatoires comme par exemple la
corruption, la fraude ou la participation à une organisation criminelle, mais
il offre une marge d’appréciation dans son second alinéa pour les procédures de
faillite, les infractions fiscales ou les fautes graves « constatées par
tout moyen » comme la violation des obligations en matière de sécurité de l’information
ou de sécurité des approvisionnements. La liste de critères fournie dans ces
deux premiers alinéas est considérée comme exhaustive par la jurisprudence de
la Cour de justice de l’Union européenne[3].
En matière de capacités
techniques et/ou professionnelles, les preuves susceptibles d’être fournies par
les opérateurs sont définies dans l’article 42. Elles comprennent notamment la
« description de l’équipement technique , des mesures employées par
l’opérateur économique pour s’assurer de la qualité et des moyens d’étude et de
recherche de son entreprise ainsi que des règles internes en matière de
propriété intellectuelle » (1)(c) ou « une description de
l’outillage, du matériel et de l’équipement technique, des effectifs du
personnel et de son savoir-faire et/ou des sources d’approvisionnement avec une indication de l’implantation
géographique lorsqu’elle se trouve hors du territoire de l’Union » (1)(h).
Le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice peut donc utiliser comme
critère de sélection l’exigence que les candidats démontrent leur capacité
technique à honorer le contrat et même exclure un candidat ou un
soumissionnaire s’il considère que sa localisation géographique hors de l’Union
est de nature à compromettre ses capacités à répondre aux clauses
contractuelles, notamment en matière de sécurité des approvisionnements. A
noter que les sous-traitants peuvent être exclus pour les mêmes motifs.
Conformément à l’article 20,
« les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices peuvent exiger des
conditions particulières concernant l’exécution du marché pour autant qu’elles
soient compatibles avec le droit communautaire et qu’elles soient indiquées
dans les documents du marché ». Elles peuvent notamment avoir pour objet
des exigences propres à la sécurité de l’approvisionnement.
L’article 23 aborde pour sa part
le contenu des documents du marché et en particulier « la certification et
les documents démontrant que l’organisation et la localisation de la chaine
d’approvisionnement du soumissionnaire lui permettront de respecter les
exigences du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice en matière de
sécurité d’approvisionnement » (c). L’organisation de la chaine
d’approvisionnement recouvre toutes les ressources et les activités nécessaires
à la fourniture des rechanges, services ou travaux définis au contrat. Toute
discrimination en matière de nationalité sera là aussi évitée en ce qui
concerne la localisation de la chaine d’approvisionnement : seules les
notions de distances et de délais de livraison sont recevables.
Les points (d) et (e) de
l’article 23 proposent les modalités à établir en ce qui concerne les cas de
crise[4],
comme le maintien de capacités de production afin de couvrir les besoins
additionnels. De tels arrangements peuvent établir des priorités avec un
séquencement de l’exécution des mesures afférentes ou prévoir des engagements
plus généraux comme celui de fournir les efforts nécessaires à la satisfaction
des besoins les plus urgents. Le point (f) permet pour sa part de fixer non seulement
des exigences concernant la maintenance, mais aussi en matière de modernisation
ou d’adaptation des fournitures, ce qui se justifie de façon évidente pour des
systèmes qui sont maintenus en service sur le long terme. On notera également
la possibilité de demander au soumissionnaire d’informer le pouvoir
adjudicateur ou l’entité adjudicatrice « de tout changement survenu dans
son organisation, sa chaîne d’approvisionnement ou sa stratégie industrielle
susceptible d’affecter ses obligations » (g) et plus encore, l’engagement
à fournir tous les moyens spécifiques nécessaires notamment à la production des
pièces détachées et composants en cas de cessation d’activité.
Une fois exclus les
soumissionnaires qui ne répondent pas aux conditions de performance requises,
le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice va accorder le marché
(procédure restreinte), passer en phase de négociation (procédure négociée) ou
préciser les spécifications (dialogue compétitif). En ce qui concerne les
critères d’attribution du marché, l’article 47 stipule qu’à défaut de s’appuyer
exclusivement sur le critère du prix le plus bas, pratique la plus courante
pour les pays dont le budget de défense est limité, l’attribution se fera à
l’offre économiquement la plus avantageuse (best value for money) en fonction de critères comme la qualité, le
prix, les caractéristiques mais aussi
les délais de livraison ou la sécurité d’approvisionnement.
Enfin, rappelons que le
considérant 16 cite la sécurité des approvisionnements parmi les critères
susceptibles de justifier une exemption de l’application de la directive dans
la mesure ou elle met en jeu la sécurité publique ou qu’elle est nécessaire
pour la protection des intérêts essentiels d’un État membre.
3) Procédures de passation des marchés
La
principale innovation de la directive en matière de passation de marchés est la
possibilité de recourir librement à la procédure
négociée avec publication d’un avis de marché (Article 25, alinéa 2).
Cette procédure tient compte des particularités des marchés publics de défense
et de sécurité en offrant aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités
adjudicatrices la souplesse nécessaire pour négocier les adaptations de l’offre
exigées par les marchés complexes. Ils pourront également recourir à la procédure restreinte avec publication d’un
avis de marché. L’article 26 précise que la procédure négociée avec
publication d’un avis de marché a pour objectif de rechercher la meilleure
offre tout en respectant le principe d’égalité de traitement entre
les soumissionnaires. Cette procédure s’applique en utilisant les critères
d’attribution du marché de l’article 47 et elle peut être conduite en phases
successives.
Quand
les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices « estiment que le
recours à la procédure restreinte ou à la procédure négociée avec publication
d’un avis de marché ne permettra pas d’attribuer le marché », ils peuvent
utiliser la procédure de dialogue
compétitif (Article 27). Dans un dialogue compétitif, seul le critère de
l’offre économiquement la plus avantageuse est utilisé. Il y a publication d’un
avis de marché puis discussion des termes du marché avec les candidats
sélectionnés. Comme pour les autres procédures, le respect du principe de
l’égalité de traitement est rappelé. L’évaluation des offres s’effectue
également en fonction des critères d’attribution du marché proposés par
l’article 47. A noter que les participants au dialogue compétitif peuvent être
rémunérés, cette procédure étant susceptible d’être longue et de requérir des ressources
spécialisées (juristes, ingénieurs, commerciaux).
La procédure négociée sans publication d’un avis
de marché décrite dans l’article 28 impose pour sa part de justifier de
contraintes particulières et s’utilise dans des conditions strictes listées dans
l’article :
-
Marchés de travaux, de fournitures et de services qui
n’ont fait l’objet d’aucune offre suite à une procédure restreinte ou avec
publication ou qui ont fait l’objet d’offres irrégulières ou
inacceptables ; urgence résultant d’une situation de crise ; urgence
impérieuse résultant d’événements imprévisibles ; opérateur privilégié
pour des raisons techniques ou tenant à la protection de droits
d’exclusivité ;
-
Marchés de fournitures et de
services qui concernent des services de recherche et développement ou
des produits dédiés à la R&D ;
-
Marchés de fournitures qui
consistent en des livraisons complémentaires de renouvellement ou d’extension
(limités à 5 ans sauf circonstances exceptionnelles) ; bourse de matières
premières ; conditions particulièrement avantageuses (cessations
d’activités, faillites) ;
-
Marchés de travaux et de
services complémentaires rendus nécessaires suite à une circonstance
imprévue (cumul plafonné à 50% du marché initial) ; répétition de
travaux ou services similaires par le même opérateur sous réserve que le marché
initial ait fait l’objet d’une procédure restreinte ou avec publication ;
-
Marchés de fourniture de services
de transport maritime et aérien dans le cadre d’un déploiement de forces à
l’étranger.
Enfin, la procédure des accords-cadres prévue
par l’article 29 permet d’établir pour une durée déterminée un certain
nombre de dispositions spécifiques avec
des opérateurs économiques parties à l’accord-cadre. Sa durée doit être
inférieure à sept ans sauf circonstances exceptionnelles. Tout comme les autres
procédures proposées par la directive, il doit respecter les règles de
concurrence. Il peut ne concerner qu’un seul opérateur, sinon au moins
trois et dans ce cas avec ou sans remise en concurrence selon les termes et critères
de l’accord.
4) Recours et mesures correctives
Les 10
articles du titre IV sont entièrement consacrés aux règles applicables aux
recours. Tout d’abord, l’article 55 prévoit que « les États membres
prennent les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les
pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices peuvent faire l’objet de
recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible » ;
ils s’assurent notamment que les procédures de recours sont accessibles et
peuvent exiger qu’ils soient introduits en premier lieu auprès du pouvoir
adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice, auquel cas il y a effet suspensif
immédiat sur toute possibilité de conclure le marché.
Les procédures de recours font l’objet de l’article 56 qui
préconise que des mesures provisoires soient prises afin de corriger dans les
meilleurs délais la violation alléguée ou à défaut d’empêcher tout préjudice
qui en découlerait. Le paragraphe 5 introduit par ailleurs la possibilité de
prévoir que l’instance chargée de la procédure tienne compte « des
conséquences probables des mesures provisoires pour tous les intérêts
susceptibles d’être lésés, ainsi que de l’intérêt public, en particulier en
matière de défense et/ou de sécurité, et décider de ne pas accorder ces mesures
lorsque leurs conséquences négatives pourraient l’emporter sur leurs
avantages ». Cet aménagement responsabilise l’instance en question en
permettant d’éviter que des programmes ou projets dont les enjeux sont
conséquents ne risquent d’être compromis par un opérateur économique trop
offensif. Si par ailleurs l’instance chargée d’instruire les recours n’est pas
de nature juridictionnelle, il doit être possible de saisir une autre instance
qui soit une juridiction indépendante.
En cas d’absence injustifiée d’avis de marché, de violation
liée à la procédure de recours ou de
dérogation aux délais de recours par un accord-cadre, l’article 60 stipule que
le marché doit être déclaré « dépourvu d’effets » par l’instance de
recours indépendante, les conséquences de l’absence d’effets étant déterminées
par le droit national. Toutefois, des « raisons impérieuses d’intérêt
général » en matière de défense et de sécurité peuvent imposer que les
effets du marché soient maintenus - l’intérêt économique ne pouvant pas être
considéré comme une raison impérieuse d’intérêt général, sauf « dans le
cas où l’absence d’effets aurait des conséquences disproportionnées ».
Quoiqu’il en soit, l’absence d’effet ne pourra pas être prononcée si ses
conséquences peuvent « sérieusement menacer l’existence même d’un
programme de défense et de sécurité plus large qui est essentiel pour les
intérêts d’un État membre en matière de sécurité ».
Pour les cas où l’absence d’effet ne peut pas être
prononcée, l’article 61 prévoit des sanctions de substitution qui doivent être
« effectives, proportionnées et dissuasives » : pénalités
financières ou réduction de la durée du marché.
L’article 63 introduit pour sa part la possibilité d’une
intervention de la Commission avant la conclusion d’un marché lorsqu’elle
considère qu’une violation grave du droit communautaire a été commise au cours
de la procédure de passation : elle en demande alors la correction par des
moyens appropriés.
Enfin une démarche volontaire de transparence peut être
engagée ex-ante par le pouvoir
adjudicateur ou l’entité adjudicatrice au moyen d’un avis formel pour justifier l’attribution d’un marché
sans publication préalable au Journal officiel de l’Union européenne (Article
64). Cette possibilité innovante permet au pouvoir adjudicateur ou à l’entité
adjudicatrice, en informant la Commission dès le début de la procédure, de se
protéger des conséquences éventuelles d’un litige ultérieur.
B. De nouvelles opportunités ?
La Directive MPDS a
vocation à augmenter la proportion des dépenses militaires affectées à la
recherche et aux développements (R&D) afin de permettre la recherche de
synergies entre recherches civiles et militaires et de créer des « réseaux
de ressources » mutualisés aux niveaux politique, industriel et
scientifique. En matière de sous-traitance, l’amélioration de la transparence
et du jeu de la concurrence doit aider les petites et moyennes entreprises
(PME) à trouver des marchés et à soumissionner pour les remporter, mais la
transposition des mesures les plus structurantes est laissée à la diligence des
États membres.
1) Recherche et développement
Dans sa
communication du 5 décembre 2007 [COM(2007) 764 final], la Commission appelle
l’attention sur le faible niveau des budgets de R&D dans le domaine de la
défense (moins de 5% des budgets de défense de l’UE24 en 2005) et estime que
leur augmentation « doperait la compétitivité en dynamisant la capacité
d’innovation de l’industrie européenne de la défense » sous réserve de
chercher mutualiser ces recherches et à créer des synergies entre les
programmes. En France, la recherche-développement de défense connaît pourtant
une reprise significative depuis le début des années 2000, même si ses effets
sur l’économie sont difficiles à mettre en évidence. Toutefois, les analyses portant sur les
entreprises montrent une relation entre innovation et productivité et
soulignent le rôle moteur d’un système national d'innovation sur leurs
performances.
Alors que certains analystes
estiment que les principes de la concurrence, des contrats et des prix fermes
ne sont pas applicables à des activités incertaines comme la R&D, la
directive offre un cadre souple qui s’accommode de cette spécificité sans pour
autant interdire de dérogation.
Ainsi,
le considérant 55 mentionne que "l'encouragement de la recherche et du
développement constitue un moyen crucial de renforcer la BITDE", c'est
pourquoi la directive écarte de son champ d'application certains contrats de
R&D et autorise l'utilisation de la procédure négociée sans publication d'avis
de marché pour les fournitures et services afférents.
Toutefois,
l'ouverture du marché de l'armement à la compétition est cruciale pour la
compétitivité de l'industrie de défense
européenne et la création d'un marché européen de la défense et de la sécurité.
Aussi, afin de répondre aux exigences de l'article 11 en matière d'exclusions
tout en respectant le caractère exceptionnel de la procédure négociée sans
publication d'un avis de marché rappelé par le considérant 50, il est
primordial de définir précisément les limites d'une phase de R&D.
L'article
1 de la directive définit la "recherche et développement" (R&D)
comme un "ensemble d'activités regroupant la recherche fondamentale, la
recherche appliquée et le développement expérimental" en y incluant la
réalisation de démonstrateurs technologiques. Le considérant 13 apporte des
précisions en définissant les trois
domaines constitutifs de la R&D : la recherche fondamentale, la recherche
appliquée et le développement
expérimental. Il convient de noter qu'il exclut de la R&D les activités de
pré-production, de conception et d'ingénierie industrielle, d'outillage ou de
fabrication.
En
matière d'exclusions, l'article 13 stipule que "les marchés passés dans le
cadre d'un programme de coopération fondé sur des activités de recherche et
développement mené conjointement par au moins deux États membres en vue du développement d'un nouveau produit"
ainsi que, le cas échéant, pour les phases ultérieures du cycle de vie du
produit, ne relèvent pas de la directive. Toutefois, pour les programmes
nationaux, seule la phase R&D bénéficie de l'exclusion. Un programme de R&D national pourra donc
faire l'objet d'une procédure dérogatoire au titre des articles 13 (exclusions
spécifiques) et 28 (procédure négociée sans publication), sous réserve que les
phases suivantes fassent l'objet de contrats selon une procédure normale de la
directive (sauf exclusions pertinentes). A défaut, le marché pourra comprendre
la phase de R&D et les phases suivantes, auquel cas il fera l'objet d'une
procédure normale.
L'article
13 propose dans son paragraphe (j) une exclusion pour les services de recherche
et de développement "autres que ceux dont les fruits appartiennent
exclusivement au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice pour son
usage dans l'exercice de sa propre activité, pour autant que la prestation du
service soit entièrement rémunérée" par ceux-ci. Autrement dit, les
marchés de services de recherche et de développement rémunérés ne peuvent
échapper à la directive que si le fruit en est partagé (bénéfices, propriété
intellectuelle...). Cette exclusion, héritée de la directive 2004/18/CE est
principalement destinée aux contrats de services de R&D cofinancés sur le
principe d'un partage des coûts et/ou des bénéfices.
Pour
les marché de fournitures et de services de R&D rémunérés par un pouvoir
adjudicateur ou une entité adjudicatrice qui souhaite s'en octroyer
exclusivement les bénéfices, on se place dans le cas du paragraphe (2.a) de
l'article 28 justifiant le recours à la procédure négociée sans publication
d'un avis de marché.
On
notera par ailleurs que répond à la définition d'un "marché de
service" tout marché de produits et de services dont la valeur des
services dépasse celle des produits. Ainsi, un marché de démonstrateur
technologique pourra être considéré comme un contrat de fourniture : il ne
pourra pas bénéficier des conditions d'exclusion du paragraphe (j) de l'article
13 mais pourra être dispensé de publication s'il répond aux critères du
paragraphe (2.b) de l'article 28 justifiant le recours à la procédure négociée
sans publication pour les produits fabriqués uniquement à des fins de R&D.
2) Sous-traitance
La
situation des Petites et Moyennes Entreprises (PME) apparaît comme une
préoccupation majeure de la Commission qui souligne les nombreuses mesures
prises à leur profit au travers du code de conduite de l’AED, de l’initiative
« Recherche au profit des PME » et de la directive MPDS qui comporte,
outre ses dispositions relatives à la transparence et à la libre-concurrence et
à son considérant 40, six articles spécifiquement consacrés à la sous-traitance
(articles 21 et 50 à 54).
L’approche
de la Commission part du principe que les sous-traitants bénéficieront de
l'ouverture des marchés de la défense nationale s’ils ont accès aux chaînes
d'approvisionnement des grands intégrateurs de systèmes situés dans autres
États membres.
Il s’agit
de favoriser la concurrence dans la chaîne d’approvisionnement en écartant les
pratiques d’attribution de marchés de sous-traitance au titre de compensations.
Les
dispositions de sous-traitance de la directive sont construites sur le principe
de non-discrimination et les marchés
passés conformément aux règles spécifiques énoncées dans le Titre III (articles
50 à 54). L’article 21 (1) précise également qu’il ne peut être exigé du
soumissionnaire « qu’il se comporte de manière discriminatoire à l’égard
de sous-traitants potentiels en raison de leur nationalité ».
Les marchés
de sous-traitance peuvent être passés selon l’ensemble des procédures prévues
par la directive, y compris la procédure négociée sans publication d'un avis de
marché.
L’article
21 prévoit également que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice peut
obliger un adjudicataire à sous-traiter une partie du contrat et intervenir
dans la méthode de sélection des sous-traitants (1). Toutefois, l’article 50
libère de ces exigences « les entreprises qui se sont groupées pour
obtenir le marché » et « les entreprises qui leur sont liées ».
Les conditions prévues par l’article 21 ne préjugent pas pour autant « la
question de la responsabilité de l’opérateur économique principal » (7).
L’article
21 de la directive prévoit plusieurs options pour la sous-traitance que
les États-membres pourront aménager dans le cadre des transpositions nationales
:
- l'adjudicataire
décide la part de sous-traitance, son périmètre et à qui l’attribuer (le
pouvoir adjudicateur se limite à vérifier la fiabilité et la sécurité de la
chaîne d'approvisionnement) ;
- l'adjudicataire décide la part de sous-traitance et son
périmètre - le pouvoir adjudicateur décide des sous-contrats à publier ;
- le pouvoir adjudicateur décide la part de sous-traitance à
mettre en concurrence (au maximum 30% de la valeur du marché) - l'adjudicataire
décide du périmètre concerné. A ce propos, le considérant 40 rappelle que
« la bonne organisation de la chaîne d'approvisionnement de
l’adjudicataire » ne doit pas être compromise ;
- le pouvoir adjudicateur fixe un pourcentage minimum de
sous-traitance à mettre en concurrence et impose une mise en concurrence pour
certains contrats que le soumissionnaire entend sous-traiter au-delà de ce
pourcentage.
L’ensemble
des exigences relatives à la sous-traitance seront indiquées dans l’avis de
marché, notamment les critères objectifs et non discriminatoires appliqués pour
sélectionner les sous-traitants, notamment ceux qui peuvent conduire à rejeter
les sous-traitants potentiels.
Dans tous
les cas, l'offre doit contenir les renseignements et documents nécessaires à
l’évaluation des capacités attendues, notamment en matière de sécurité des
informations.
L’article
52 (6) donne aux États membres la possibilité d’attribuer des contrats de
sous-traitance sur la base d’un accord-cadre conclu conformément aux règles
énoncées au titre III, sous réserve que l’accord n’excède pas sept ans et ne
soit pas utilisé « de façon abusive ou de manière à empêcher, à
restreindre ou à fausser la concurrence ». Ce type d’accord est de nature
à favoriser la constitution d’ une chaîne d'approvisionnement reposant sur des
sous-traitants sélectionnés d'une manière transparente et non discriminatoire.
Toutefois,
l'adjudicataire n’est pas tenu de sous-traiter s’il prouve qu'aucun des
sous-traitants participant à la compétition ou qu’aucune des offres proposées
ne répondent aux critères indiqués dans l'avis de sous-traitance et l’empêchent
ainsi de remplir les exigences énoncées dans le contrat principal.
Conformément
à la logique de la directive, l'article 51 prévoit que « le
soumissionnaire retenu agit dans la transparence et traite les sous-traitants
potentiels sur un pied d’égalité et de manière non discriminatoire ».
Même si un
candidat sous-traitant ne peut lancer une procédure de recours contre
l’adjudicataire du marché principal (la procédure ne concerne que les marchés de
travaux, de services ou de fournitures visés à l’article 2), il convient de
considérer que le droit des contrats peut être utilisé par le pouvoir
adjudicateur ou l’entité adjudicatrice contre un adjudicataire défaillant au
titre des règles de sous-traitance du contrat principal.
L’usage
montrera si le souhait de la Commission de favoriser la concurrence dans la
chaîne d’approvisionnement et d’écarter la pratique des
compensations se concrétisent dans les transpositions nationales puis dans
la pratique. Si la discrimination sur la nationalité est interdite par la
directive et si l’ensemble des procédures de passation sont autorisées pour les
marchés de sous-traitance, y compris les accords-cadres, la possibilité du
pouvoir adjudicateur d’intervenir sur la part de sous-traitance et d’imposer
une mise en concurrence demeure optionnelle pour la transposition. Certes, les
responsabilités sont équilibrées puisque l’adjudicataire n’est pas tenu de
sous-traiter si cela l’empêche de remplir les exigences du contrat et le
pouvoir adjudicateur a pour sa part la possibilité de faire valoir ses
exigences en recourant au droit des contrats, mais une transposition trop hétérogène des options et la possibilité de
recourir aux exemptions risque d’atténuer l’effet de la directive sur la
pratique des compensations. Restent la transparence et la non discrimination
qui peuvent laisser espérer un sort meilleur aux PME.
C. Des alternatives aux exemptions
Ce cadre et les
opportunités qu’il offre sont de nature à limiter l’intérêt pour les États
membres de recourir à l’article 296. La Directive offre par ailleurs de
nombreuses alternatives aux exemptions, qu’il s’agisse des outils de sélection
des candidats en fonction de critères de performance, de fiabilité, de
compatibilité avec les normes européennes, des moyens d’information les
concernant ou encore de la mise en œuvre de programmes en collaboration entre
États membres.
1) Intérêt de l’article 346 TFUE (ex-article 296 TCE)
Le recours à l’article 296 TCE dont
les principes ont été exposés en II. A. 1) permet aux États-membres d’échapper
au cadre réglementaire imposé aux marchés de défense par l’Union et par voie de
conséquence au contrôle de la Commission ou aux procédures éventuelles portées
devant la CJUE par des soumissionnaires non retenus. Il leur permet surtout de privilégier leurs industries nationales de défense et les emplois directs
ou indirects qu’elles génèrent, de soutenir l’investissement ainsi
que d’assurer la sécurité de leurs approvisionnements. Nombre d’intérêts
essentiels qui relèvent de leur sécurité, de leur prospérité et de leur
souveraineté.
Toutefois, son utilisation
systématique contribue à la fragmentation du marché de la défense qui se
manifeste par des barrières à l’entrée écartant tout risque de concurrence mais
aussi toute opportunité de renouvellement des acteurs économiques et une perte
de compétitivité qui décourage l’innovation et fragilise la BITDE.
Dans ce contexte, un recours trop
fréquent à l’article 296 ne semble pas profitable à long terme car une ouverture
progressive et contrôlée du marché apparaît nécessaire pour entretenir une
dynamique de concurrence. Toutefois, la plupart des contingences spécifiques
aux besoins de la défense telles que les situations d’urgence, la sensibilité
des technologies ou la sécurité des approvisionnements qui requièrent des
procédures, des clauses et des garanties particulières n’étaient jusqu’à
présent pas prises en compte par le corpus légal et réglementaire des marchés
publics, tant au niveau européen que national. Même
la Directive 2004/18/CE[5] est considérée inadaptée à de nombreux marchés de défense, puisqu'elle
ne prend pas en compte les caractéristiques spécifiques à ce secteur. Les
responsables de marchés de la défense l’appliquent donc peu.
Ainsi, l’invocation des intérêts
essentiels de sécurité par un État-membre pour justifier le choix d’une
procédure négociée sans publication d’avis de marché semble vouée à intervenir
dans un nombre de cas plus restreints, qu’il s’agisse de questions de
protection d’informations sensibles ou de production ou de commerce d'armes, de munitions et de matériel de
guerre. En effet, les possibilités offertes par la directive 2009/81 gomment la
plupart des arguments tant économiques que sécuritaires qui conduisaient
jusqu’à présent à recourir à l’article 296 : sécurité de l’information,
sécurité des approvisionnements, entretien de savoir-faire spécifiques, etc.
Toutefois,
l’intérêt essentiel des États ne peut pas être remis en question sur des
domaines de souveraineté ou considérés comme vitaux, toutes questions qui
imposent de préserver un « ultima ratio regum » qui continuera à
s’appuyer sur l’article 296. Mais peut-on en délimiter précisément le
périmètre ? Il
existe par exemple de nombreux systèmes qui n’intègrent qu’en partie des technologies
sensibles pour lesquelles les notions de souveraineté ou de secret peuvent être
invoquées. Si les domaines comme le nucléaire ou la cryptologie ne posent pas
question, qu’en est-il d’un vecteur multi-rôle comme le Rafale qui peut mettre
en œuvre l’armement nucléaire ou d’un avion de patrouille maritime comme
l’Atlantique 2 qui participe à la sécurité des SNLE[6] ?
Partant du
constat qu’une communication
interprétative était le seul instrument approprié pour clarifier les
conditions d'application de l'article 296 TCE, la Commission a tenté de
préciser les contours d’une application raisonnée de cet article et elle a
préconisé de l’accompagner d’une nouvelle directive spécifique à la défense.
C’est désormais chose faite avec la transposition dans les législations et
réglementations nationales de la directive MPDS.
D’après un rapport de l’UEO, la position de la France à
propos de la Communication interprétative est qu’elle « n’apporterait aucun
élément nouveau permettant d’atteindre l’objectif visé qui est d’accroître
l’efficacité des dépenses de défense et de renforcer la BITD européenne »[7].
A l’époque, le gouvernement souhaite la mise en place d’« un outil
intergouvernemental et expérimental de rationalisation du marché », un code de
conduite (CoC) sur la politique d’acquisitions à élaborer et à mettre en place
dans le cadre de l’Agence européenne de défense, ce qui est fait dès mars 2005,
avant même la Communication de la Commission[8].
Si les principes du CoC font l’objet d’un large consensus entre les Etats
européens, des divergences apparaissent dans la manière de les appliquer, les
besoins, les capacités industrielles et les intérêts étant hétérogènes.
En matière de défense, les Français considèrent comme
nécessaire et urgent de mettre en place des capacités pour les opérations
militaires de moyenne et de forte intensité alors que la PSCD et les choix
capacitaires qui en découlent orienteraient la BITDE vers des équipements qui
ne correspondent pas aux besoins prioritaires des forces
françaises ni aux points forts de son industrie de défense. C’est ainsi que le
gouvernement français privilégiera le partenariat avec le Royaume-Uni en
matière de sécurité et de défense, car la
distance séparant les orientations stratégiques des deux pays s'est réduite depuis
le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN. Les opérations
récentes en Libye ont par ailleurs démontré l’intérêt d’un tel rapprochement.
Pour sa part, le Royaume-Uni demeure à l’époque dépendant de
ses fournisseurs extérieurs, notamment américains et les britanniques
considèrent qu’il convient d’améliorer l’efficacité des mécanismes existants.
Dans cette logique, ils estiment qu’il convient plutôt de clarifier les règles
communautaires relatives aux marchés de défense et de veiller à leur
application par les États membres. Toutefois, ils préfèreront le CoC, démarche
intergouvernementale et volontaire, à une directive : « Il est
évident que nous nous serions opposés à toute réglementation qui a des effets
sur l’application de l’article 296 TICE ou qui tend à la réglementer »[9].
Observera-t-on un infléchissement de
l’emploi de l’article 346 TFUE et faut-il faire une liste exhaustive
actualisée des produits auxquels il s’applique ? Le retour d’expérience sur
l’application du nouveau cadre et la jurisprudence à venir permettront sans
doute de répondre à ces questions.
2) Alternatives aux exemptions
La directive 2009/81 comporte des
dispositions qui prévoient des cas d'exclusion dont certains découlent des
directives 2004/17/CE et 2004/18/CE,
les autres répondent pour leur
part à certaines spécificités des marchés de défense et de sécurité :
- Marchés
passés en vertu de règles internationales (Article 12);
- Informations
essentielles pour la sécurité (Article 13(a));
- Activités intéressant le
renseignement (Article 13(b);
- Programmes menés en
coopération (Article 13(c));
- Contrats passés en
zone d'opérations extérieures (Article 13(d));
- Marchés passés entre
gouvernements (Article 13(f)).
La
directive offre par ailleurs de nombreuses alternatives aux exemptions en
proposant des outils à même de répondre aux exigences des pouvoirs
adjudicateurs ou des entités adjudicatrices en matières de garanties relatives
à la fiabilité des soumissionnaires et de leurs sous-traitants, de sécurité de
l’information et des approvisionnements ou encore de propriété intellectuelle.
Pour ce faire, ils disposent de procédures de sélection des candidats en
fonction de critères de performance, de prix ou plus généralement de
compatibilité avec les normes européennes.
Afin
d’inviter les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices à s’inscrire
dans ce cadre et à réduire progressivement le champ des « intérêts
essentiels » justifiant un recours à l’article 346 TFUE, l’Article 11 de
la directive rappelle que les exclusions ne peuvent être utilisées « aux
fins de se soustraire aux dispositions de la présente directive », ceci
afin de garder à l’esprit que la jurisprudence de la CJUE prohibe toute
utilisation non justifiée de procédures dérogeant aux règles de transparence et
de libre concurrence.
Le considérant 45 prévoit également « la possibilité pour les États
membres d'instaurer des listes officielles d'entrepreneurs, de fournisseurs ou
de prestataires de services ou une certification par des organismes publics ou
privés ». L’habilitation des entreprises vient s’ajouter aux
outils à même de faciliter les procédures et d’instaurer la confiance entre les
pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices et les opérateurs économiques.
Quoiqu’il en soit, la possibilité d’utiliser des critères de sélection
très précis pour l’examen des offres et le choix des motifs permettant
d’écarter les opérateurs économiques jugés douteux donne suffisamment de
latitude aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices pour exprimer
leurs exigences et identifier les meilleurs candidats.
Enfin, le passage obligé par le nouveau cadre légal
et réglementaire issu de la transposition présente non seulement l’intérêt
d’autoriser la plupart des exemptions communément requises par les pouvoirs
adjudicateurs et entités adjudicatrices, mais surtout celui de protéger ces
derniers face à un éventuel recours puisqu’ils pourront se prévaloir d’une
démarche conforme à la lettre de la directive.
[1] COM(2007)
764 final, Stratégie pour une industrie européenne de la défense plus forte et
plus compétitive [en ligne]. 05/12/2007, p7.
[2]
Les transferts intra-communautaires sont hors du champ de la présente
étude, ils relèvent de la Directive
2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 simplifiant les
conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté.
[3] DIRECTORATE GENERAL INTERNAL MARKET
AND SERVICES. Guidance Note of Directive 2009/81/EC, Security of supply, p.7, disponible sur
http://ec.europa.eu/internal_market/publicprocurement/ index_fr.htm.
[4]« Crise :
toute situation dans un État membre ou dans un
pays tiers, dans laquelle des dommages ont été causés, dont les proportions
dépassent clairement celles de dommages de la vie courante et qui compromettent
substantiellement la vie et la santé de la population ou qui ont des effets
substantiels sur la valeur des biens, ou qui nécessitent des mesures concernant
l’approvisionnement de la population en produits de première nécessité; il y a
également crise lorsqu’on doit considérer comme imminente la survenue de tels
dommages; les conflits armés et les guerres sont des crises au sens de la
présente directive » (Définition tirée de l’article premier de la directive
2009/81/CE).
[5] L’article 14
de la Directive 2004/18/CE dispose que : "La présente directive ne
s'applique pas aux marchés publics lorsqu'ils sont déclarés secrets ou lorsque
leur exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité,
conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives
en vigueur dans l'État membre considéré, ou lorsque la protection des intérêts
essentiels de cet État membre l'exige."
[6] Sous-marin
Nucléaire Lanceur d’Engins.
[7] Document
A/1917, 6 décembre 2005, Le marché européen des équipements de défense :
l’article 296 du Traité instituant la Communauté européenne et le Livre vert de
la Commission européenne – Réponse au rapport annuel du Conseil, Rapport
présenté au nom de la Commission technique et aérospatiale par M. Franco
Danieli, rapporteur (Italie, Groupe libéral). Disponible sur
http://www.assembly-weu.org
[8] Le « Code de
conduite » a été signé par les 24 États membres de l’AED (sauf le Danemark qui bénéficie d’une exemption en
matière de défense) et mis en œuvre par l’Agence européenne de défense à partir
du 1er juillet 2006. Il repose sur cinq principes :
- approche volontaire et non contraignante ;
- traitement juste et égal des fournisseurs ;
- transparence et une responsabilité mutuelle ;
- appui mutuel ;
- intérêt mutuel.
[9] Document
A/1917, op.cit., p.22.
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