samedi 20 octobre 2012

LBDSN et MDS (III)



       III.      APPORTS RÉCENTS DU DROIT EUROPÉEN

La Directive 2009/81 sur les marchés publics de défense et de sécurité (MPDS) définit le cadre d’un régime de passation de marché spécifique au domaine de l’armement qui tente d’apporter une réponse aux exigences de transparence, de sécurité et de souplesse tout en offrant des opportunités en matière de recherche et développement et de sous-traitance, même si des exemptions demeurent possibles.

A.    Un cadre « vertueux »

La Commission souhaite promouvoir un référentiel commun de normes en collaboration avec l’Agence Européenne de Défense (AED) dans le but de faciliter l’ouverture des marchés. Il s’agit d’établir un climat de confiance mutuelle entre les États membres au moyen de mesures garantissant la transparence mais aussi la sécurité des informations sensibles. La sécurité des approvisionnements, consubstantielle de toute notion de défense, sera également prise en compte et vérifiable, elle constituera un critère de sélection. Les critères de sélection des candidats contribueront également à la sécurité en permettant d’écarter les entreprises douteuses. Enfin, le système de passation des marchés apparaît équilibré en ce qu’il offrira une plus grande souplesse pour les entités et pouvoirs adjudicateurs tout en autorisant des possibilités d’indemnisation et de recours pour les soumissionnaires éliminés sans pour autant mettre en péril les intérêts des parties.

1)    Transparence et confidentialité

Dans la communication relative à sa « stratégie pour une industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive », la Commission rappelle sa volonté d'instaurer « un climat de confiance mutuelle renforcée entre les États membres » : la sécurité de l'information et la sécurité d'approvisionnement y sont citées parmi les principales mesures qui visent à améliorer l'ouverture et la compétitivité des marchés de défense dans l'Union[1].
La protection des renseignements dont un État membre « estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité » est très souvent invoquée par les États membres qui utilisent selon la Commission le recours à l'article 296 du TCE (désormais Article 346 du TFUE) pour échapper à l'application des règles européennes relatives aux marchés publics. C'est pourquoi la directive 2009/81 propose dans son article 22 un certain nombre de mesures et d'exigence relative à la sécurité des informations classifiées. Le pouvoir adjudicateurs ou l'entité adjudicatrice peuvent ainsi exiger, dans les documents du marché, un engagement du soumissionnaire et des sous-traitants sur l'application de telles mesures ainsi que la possibilité, pour le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice, de déterminer si les sous-traitants possèdent les capacités requises pour leur application. La Section 2 de la directive prévoit ainsi des critères de sélection qui reposent sur les capacités et aptitudes des candidats ou des soumissionnaires mais aussi sur leur « situation personnelle ». Il est ainsi possible d'écarter des candidats ayant fait l'objet de condamnations en raison de délits affectant leur moralité professionnelle, d'activités criminelles, de corruption, de fraude ou encore ayant participé ou soutenu des activités terroristes. Sera également écarté tout candidat qui a commis une faute grave dans ses obligations en matière de sécurité de l'information. L'article 42 relatif aux capacités techniques et/ou professionnelles des candidats préconise pour sa part la production de preuves justifiant la capacité du candidat ou soumissionnaire à traiter, stocker et transmettre des informations classifiées au niveau de protection approprié.
La directive décrit également dans son article 36 les règles applicables aux communications dans le cadre de la publication des avis de marché qui stipule que « les communications, les échanges et le stockage d'informations sont faits de manière à assurer que l'intégrité des données et la confidentialité les demandes de participation et des offres soient préservées ». Au plan technique, des outils comme la signature électronique ou le contrôle d'accès sont autorisés et les garanties minimales attendues sont décrites dans l'annexe VIII de la directive.
Les mesures de sécurité de l’information préconisée par la directive ne poseront probablement pas de problème de mise en œuvre côté français ou l'application du code des marchés publics, la publication et la gestion des appels d'offres électroniques sont largement utilisés depuis plusieurs années. Toutefois, le déploiement à l'échelle européenne de ce « dispositif de confiance » ne semble pas de nature à influencer, sinon à la marge, l'appréciation des pouvoirs adjudicateurs et des entités adjudicatrices nationales sur l'opportunité de déroger à la protection offerte à nos intérêts essentiels de sécurité par le recours à l'article 346 du TFUE (ex-article 296 TCE).
En ce qui concerne la capacité des candidats ou soumissionnaires à assurer la protection des informations sensibles ou classifiées, il conviendra d'appliquer à la lettre les préconisations de la directive afin d'obtenir des garanties de nature à faciliter les échanges d'informations technologiques entre titulaires d'un même marché. En effet, on observe parfois des réticences sur ce point entre des entreprises de même nationalité quand il s'agit par exemple de transmettre au partenaire des spécifications nécessaires à l'interopérabilité avec un système tiers. À défaut, les litiges pourraient se multiplier et générer des retards pour les programmes complexes. On notera au passage que l'industrie française de l'armement est à même de proposer un certain nombre de solutions techniques en matière de sécurité de l’information, marché en pleine croissance soumis à une concurrence acharnée sous leadership américain.

2)    Sécurité des approvisionnements

Si la sécurité d'approvisionnement contribue selon la Commission à améliorer l'ouverture et la compétitivité des marchés, elle constitue pour les États souverains une exigence cruciale pour la disponibilité de leurs équipements de défense, comme rappelé dans les considérants 8 et 9 de la Directive 2009/81.
L’aptitude d’une entreprise à répondre à ce type d’exigence dépend de ses capacités industrielles mais aussi des possibilités de transfert entre États[2], qu’il s’agisse du produit final d’un intégrateur ou des composants et sous-systèmes produits par ses fournisseurs.
Les décisions des États en matière d’investissement peuvent également favoriser le développement de certaines capacités industrielles, c’est pourquoi ceux-ci doivent favoriser sur leur territoire certains secteurs jugés stratégiques et éviter de dépendre dans ces domaines de fournisseurs étrangers. 
Conformément aux termes de l’article 23 de la directive, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice peut assortir l’offre de certains éléments qui précisent ses exigences en matière de sécurité d’approvisionnement. D’après le considérant 40, ces exigences peuvent concerner les droits de propriété intellectuelle entre une société et ses filiales ou « la fourniture de capacités critiques d’entretien et de révision afin d’assurer la maintenance des équipements achetés tout au long de leur cycle de vie ». Toutefois, la directive n’est pas exhaustive et laisse toute liberté de définir des critères au cas par cas, comme pour la sélection des soumissionnaires qui peuvent se voir exiger des preuves de leurs capacités techniques et/ou professionnelles (article 42).
L’utilisation de critères de sélection stricts en matière de sécurité des approvisionnements ne dispense pas pour autant de respecter le principe de non-discrimination en offrant un traitement égal aux candidats et aux soumissionnaires - ainsi, la nationalité ne peut pas constituer à elle seule un critère de sélection, même si elle peut conduire à écarter des candidats en appliquant des règles strictes de proportionnalité dans un contexte de restriction de l’accès au marché. Quoiqu’il en soit, toute décision d’exclure tel type de fournisseur devra être dûment justifiée.
Les exigences en matière de sécurité des approvisionnements seront exprimées le plus souvent en termes de délais et de quantités.
Conformément aux articles 38 à 46 de la directive, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice doivent établir la capacité et l’aptitude des opérateurs à partir de critères de légalité ou de moralité, de critères relatifs à leurs capacités économiques et financières et à leurs connaissances ou capacités professionnelles et techniques. Le considérant 67 rappelle à ce propos que « la fiabilité des opérateurs économiques qui obtiennent des marchés est cruciale » et qu’elle « dépend notamment de leur capacité à répondre aux exigences imposées par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice en matière de sécurité d’approvisionnement et de sécurité de l’information ».
L’article 39 propose dans son premier alinéa des critères d’exclusion obligatoires comme par exemple la corruption, la fraude ou la participation à une organisation criminelle, mais il offre une marge d’appréciation dans son second alinéa pour les procédures de faillite, les infractions fiscales ou les fautes graves « constatées par tout moyen » comme la violation des obligations en matière de sécurité de l’information ou de sécurité des approvisionnements. La liste de critères fournie dans ces deux premiers alinéas est considérée comme exhaustive par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne[3]
En matière de capacités techniques et/ou professionnelles, les preuves susceptibles d’être fournies par les opérateurs sont définies dans l’article 42. Elles comprennent notamment la « description de l’équipement technique , des mesures employées par l’opérateur économique pour s’assurer de la qualité et des moyens d’étude et de recherche de son entreprise ainsi que des règles internes en matière de propriété intellectuelle » (1)(c) ou « une description de l’outillage, du matériel et de l’équipement technique, des effectifs du personnel et de son savoir-faire et/ou des sources d’approvisionnement  avec une indication de l’implantation géographique lorsqu’elle se trouve hors du territoire de l’Union » (1)(h). Le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice peut donc utiliser comme critère de sélection l’exigence que les candidats démontrent leur capacité technique à honorer le contrat et même exclure un candidat ou un soumissionnaire s’il considère que sa localisation géographique hors de l’Union est de nature à compromettre ses capacités à répondre aux clauses contractuelles, notamment en matière de sécurité des approvisionnements. A noter que les sous-traitants peuvent être exclus pour les mêmes motifs.
Conformément à l’article 20, « les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices peuvent exiger des conditions particulières concernant l’exécution du marché pour autant qu’elles soient compatibles avec le droit communautaire et qu’elles soient indiquées dans les documents du marché ». Elles peuvent notamment avoir pour objet des exigences propres à la sécurité de l’approvisionnement.
L’article 23 aborde pour sa part le contenu des documents du marché et en particulier « la certification et les documents démontrant que l’organisation et la localisation de la chaine d’approvisionnement du soumissionnaire lui permettront de respecter les exigences du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice en matière de sécurité d’approvisionnement » (c). L’organisation de la chaine d’approvisionnement recouvre toutes les ressources et les activités nécessaires à la fourniture des rechanges, services ou travaux définis au contrat. Toute discrimination en matière de nationalité sera là aussi évitée en ce qui concerne la localisation de la chaine d’approvisionnement : seules les notions de distances et de délais de livraison sont recevables.
Les points (d) et (e) de l’article 23 proposent les modalités à établir en ce qui concerne les cas de crise[4], comme le maintien de capacités de production afin de couvrir les besoins additionnels. De tels arrangements peuvent établir des priorités avec un séquencement de l’exécution des mesures afférentes ou prévoir des engagements plus généraux comme celui de fournir les efforts nécessaires à la satisfaction des besoins les plus urgents. Le point (f) permet pour sa part de fixer non seulement des exigences concernant la maintenance, mais aussi en matière de modernisation ou d’adaptation des fournitures, ce qui se justifie de façon évidente pour des systèmes qui sont maintenus en service sur le long terme. On notera également la possibilité de demander au soumissionnaire d’informer le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice « de tout changement survenu dans son organisation, sa chaîne d’approvisionnement ou sa stratégie industrielle susceptible d’affecter ses obligations » (g) et plus encore, l’engagement à fournir tous les moyens spécifiques nécessaires notamment à la production des pièces détachées et composants en cas de cessation d’activité.
Une fois exclus les soumissionnaires qui ne répondent pas aux conditions de performance requises, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice va accorder le marché (procédure restreinte), passer en phase de négociation (procédure négociée) ou préciser les spécifications (dialogue compétitif). En ce qui concerne les critères d’attribution du marché, l’article 47 stipule qu’à défaut de s’appuyer exclusivement sur le critère du prix le plus bas, pratique la plus courante pour les pays dont le budget de défense est limité, l’attribution se fera à l’offre économiquement la plus avantageuse (best value for money)  en fonction de critères comme la qualité, le prix, les caractéristiques  mais aussi les délais de livraison ou la sécurité d’approvisionnement.
Enfin, rappelons que le considérant 16 cite la sécurité des approvisionnements parmi les critères susceptibles de justifier une exemption de l’application de la directive dans la mesure ou elle met en jeu la sécurité publique ou qu’elle est nécessaire pour la protection des intérêts essentiels d’un État  membre.

3)    Procédures de passation des marchés

La principale innovation de la directive en matière de passation de marchés est la possibilité de recourir librement à la procédure négociée avec publication d’un avis de marché (Article 25, alinéa 2). Cette procédure tient compte des particularités des marchés publics de défense et de sécurité en offrant aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices la souplesse nécessaire pour négocier les adaptations de l’offre exigées par les marchés complexes. Ils pourront également recourir à la procédure restreinte avec publication d’un avis de marché. L’article 26 précise que la procédure négociée avec publication d’un avis de marché a pour objectif de rechercher la meilleure offre tout en respectant le principe d’égalité de traitement  entre les soumissionnaires. Cette procédure s’applique en utilisant les critères d’attribution du marché de l’article 47 et elle peut être conduite en phases successives.
Quand les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices « estiment que le recours à la procédure restreinte ou à la procédure négociée avec publication d’un avis de marché ne permettra pas d’attribuer le marché », ils peuvent utiliser la procédure de dialogue compétitif (Article 27). Dans un dialogue compétitif, seul le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse est utilisé. Il y a publication d’un avis de marché puis discussion des termes du marché avec les candidats sélectionnés. Comme pour les autres procédures, le respect du principe de l’égalité de traitement est rappelé. L’évaluation des offres s’effectue également en fonction des critères d’attribution du marché proposés par l’article 47. A noter que les participants au dialogue compétitif peuvent être rémunérés, cette procédure étant susceptible d’être longue et de requérir des ressources spécialisées (juristes, ingénieurs, commerciaux).
La procédure négociée sans publication d’un avis de marché décrite dans l’article 28 impose pour sa part de justifier de contraintes particulières et s’utilise dans des conditions strictes listées dans l’article :
-         Marchés de travaux, de fournitures et de services qui n’ont fait l’objet d’aucune offre suite à une procédure restreinte ou avec publication ou qui ont fait l’objet d’offres irrégulières ou inacceptables ; urgence résultant d’une situation de crise ; urgence impérieuse résultant d’événements imprévisibles ; opérateur privilégié pour des raisons techniques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité ;
-         Marchés de fournitures et de services qui concernent des services de recherche et développement ou des produits dédiés à la R&D ;
-         Marchés de fournitures qui consistent en des livraisons complémentaires de renouvellement ou d’extension (limités à 5 ans sauf circonstances exceptionnelles) ; bourse de matières premières ; conditions particulièrement avantageuses (cessations d’activités, faillites) ;
-         Marchés de travaux et de services complémentaires rendus nécessaires suite à une circonstance imprévue (cumul plafonné à 50% du marché initial) ; répétition de travaux ou services similaires par le même opérateur sous réserve que le marché initial ait fait l’objet d’une procédure restreinte ou avec publication ;
-         Marchés de fourniture de services de transport maritime et aérien dans le cadre d’un déploiement de forces à l’étranger.
Enfin, la procédure des accords-cadres prévue par l’article 29 permet d’établir pour une durée déterminée un certain nombre de dispositions spécifiques avec des opérateurs économiques parties à l’accord-cadre. Sa durée doit être inférieure à sept ans sauf circonstances exceptionnelles. Tout comme les autres procédures proposées par la directive, il doit respecter les règles de concurrence. Il peut ne concerner qu’un seul opérateur, sinon au moins trois et dans ce cas avec ou sans remise en concurrence selon les termes et critères de l’accord.

4)    Recours et mesures correctives

Les 10 articles du titre IV sont entièrement consacrés aux règles applicables aux recours. Tout d’abord, l’article 55 prévoit que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible » ; ils s’assurent notamment que les procédures de recours sont accessibles et peuvent exiger qu’ils soient introduits en premier lieu auprès du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice, auquel cas il y a effet suspensif immédiat sur toute possibilité de conclure le marché.
Les procédures de recours font l’objet de l’article 56 qui préconise que des mesures provisoires soient prises afin de corriger dans les meilleurs délais la violation alléguée ou à défaut d’empêcher tout préjudice qui en découlerait. Le paragraphe 5 introduit par ailleurs la possibilité de prévoir que l’instance chargée de la procédure tienne compte « des conséquences probables des mesures provisoires pour tous les intérêts susceptibles d’être lésés, ainsi que de l’intérêt public, en particulier en matière de défense et/ou de sécurité, et décider de ne pas accorder ces mesures lorsque leurs conséquences négatives pourraient l’emporter sur leurs avantages ». Cet aménagement responsabilise l’instance en question en permettant d’éviter que des programmes ou projets dont les enjeux sont conséquents ne risquent d’être compromis par un opérateur économique trop offensif. Si par ailleurs l’instance chargée d’instruire les recours n’est pas de nature juridictionnelle, il doit être possible de saisir une autre instance qui soit une juridiction indépendante.
En cas d’absence injustifiée d’avis de marché, de violation liée à la procédure de recours  ou de dérogation aux délais de recours par un accord-cadre, l’article 60 stipule que le marché doit être déclaré « dépourvu d’effets » par l’instance de recours indépendante, les conséquences de l’absence d’effets étant déterminées par le droit national. Toutefois, des « raisons impérieuses d’intérêt général » en matière de défense et de sécurité peuvent imposer que les effets du marché soient maintenus - l’intérêt économique ne pouvant pas être considéré comme une raison impérieuse d’intérêt général, sauf « dans le cas où l’absence d’effets aurait des conséquences disproportionnées ». Quoiqu’il en soit, l’absence d’effet ne pourra pas être prononcée si ses conséquences peuvent « sérieusement menacer l’existence même d’un programme de défense et de sécurité plus large qui est essentiel pour les intérêts d’un État membre en matière de sécurité ».
Pour les cas où l’absence d’effet ne peut pas être prononcée, l’article 61 prévoit des sanctions de substitution qui doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives » : pénalités financières ou réduction de la durée du marché.
L’article 63 introduit pour sa part la possibilité d’une intervention de la Commission avant la conclusion d’un marché lorsqu’elle considère qu’une violation grave du droit communautaire a été commise au cours de la procédure de passation : elle en demande alors la correction par des moyens appropriés.
Enfin une démarche volontaire de transparence peut être engagée ex-ante par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice au moyen d’un avis formel  pour justifier l’attribution d’un marché sans publication préalable au Journal officiel de l’Union européenne (Article 64). Cette possibilité innovante permet au pouvoir adjudicateur ou à l’entité adjudicatrice, en informant la Commission dès le début de la procédure, de se protéger des conséquences éventuelles d’un litige ultérieur.

B.   De nouvelles opportunités ?

La Directive MPDS a vocation à augmenter la proportion des dépenses militaires affectées à la recherche et aux développements (R&D) afin de permettre la recherche de synergies entre recherches civiles et militaires et de créer des « réseaux de ressources » mutualisés aux niveaux politique, industriel et scientifique. En matière de sous-traitance, l’amélioration de la transparence et du jeu de la concurrence doit aider les petites et moyennes entreprises (PME) à trouver des marchés et à soumissionner pour les remporter, mais la transposition des mesures les plus structurantes est laissée à la diligence des États membres.

1)    Recherche et développement

Dans sa communication du 5 décembre 2007 [COM(2007) 764 final], la Commission appelle l’attention sur le faible niveau des budgets de R&D dans le domaine de la défense (moins de 5% des budgets de défense de l’UE24 en 2005) et estime que leur augmentation « doperait la compétitivité en dynamisant la capacité d’innovation de l’industrie européenne de la défense » sous réserve de chercher mutualiser ces recherches et à créer des synergies entre les programmes. En France, la recherche-développement de défense connaît pourtant une reprise significative depuis le début des années 2000, même si ses effets sur l’économie sont difficiles à mettre en évidence. Toutefois, les analyses portant sur les entreprises montrent une relation entre innovation et productivité et soulignent le rôle moteur d’un système national d'innovation sur leurs performances.
Alors que certains analystes estiment que les principes de la concurrence, des contrats et des prix fermes ne sont pas applicables à des activités incertaines comme la R&D, la directive offre un cadre souple qui s’accommode de cette spécificité sans pour autant interdire de dérogation.
Ainsi, le considérant 55 mentionne que "l'encouragement de la recherche et du développement constitue un moyen crucial de renforcer la BITDE", c'est pourquoi la directive écarte de son champ d'application certains contrats de R&D et autorise l'utilisation de la procédure négociée sans publication d'avis de marché pour les fournitures et services afférents.
Toutefois, l'ouverture du marché de l'armement à la compétition est cruciale pour la compétitivité de  l'industrie de défense européenne et la création d'un marché européen de la défense et de la sécurité. Aussi, afin de répondre aux exigences de l'article 11 en matière d'exclusions tout en respectant le caractère exceptionnel de la procédure négociée sans publication d'un avis de marché rappelé par le considérant 50, il est primordial de définir précisément les limites d'une phase de R&D.
L'article 1 de la directive définit la "recherche et développement" (R&D) comme un "ensemble d'activités regroupant la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement expérimental" en y incluant la réalisation de démonstrateurs technologiques. Le considérant 13 apporte des précisions en définissant  les trois domaines constitutifs de la R&D : la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le  développement expérimental. Il convient de noter qu'il exclut de la R&D les activités de pré-production, de conception et d'ingénierie industrielle, d'outillage ou de fabrication.
En matière d'exclusions, l'article 13 stipule que "les marchés passés dans le cadre d'un programme de coopération fondé sur des activités de recherche et développement mené conjointement par au moins deux États membres en vue  du développement d'un nouveau produit" ainsi que, le cas échéant, pour les phases ultérieures du cycle de vie du produit, ne relèvent pas de la directive. Toutefois, pour les programmes nationaux, seule la phase R&D bénéficie de l'exclusion.  Un programme de R&D national pourra donc faire l'objet d'une procédure dérogatoire au titre des articles 13 (exclusions spécifiques) et 28 (procédure négociée sans publication), sous réserve que les phases suivantes fassent l'objet de contrats selon une procédure normale de la directive (sauf exclusions pertinentes). A défaut, le marché pourra comprendre la phase de R&D et les phases suivantes, auquel cas il fera l'objet d'une procédure normale.
L'article 13 propose dans son paragraphe (j) une exclusion pour les services de recherche et de développement "autres que ceux dont les fruits appartiennent exclusivement au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice pour son usage dans l'exercice de sa propre activité, pour autant que la prestation du service soit entièrement rémunérée" par ceux-ci. Autrement dit, les marchés de services de recherche et de développement rémunérés ne peuvent échapper à la directive que si le fruit en est partagé (bénéfices, propriété intellectuelle...). Cette exclusion, héritée de la directive 2004/18/CE est principalement destinée aux contrats de services de R&D cofinancés sur le principe d'un partage des coûts et/ou des bénéfices.
Pour les marché de fournitures et de services de R&D rémunérés par un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice qui souhaite s'en octroyer exclusivement les bénéfices, on se place dans le cas du paragraphe (2.a) de l'article 28 justifiant le recours à la procédure négociée sans publication d'un avis de marché.
On notera par ailleurs que répond à la définition d'un "marché de service" tout marché de produits et de services dont la valeur des services dépasse celle des produits. Ainsi, un marché de démonstrateur technologique pourra être considéré comme un contrat de fourniture : il ne pourra pas bénéficier des conditions d'exclusion du paragraphe (j) de l'article 13 mais pourra être dispensé de publication s'il répond aux critères du paragraphe (2.b) de l'article 28 justifiant le recours à la procédure négociée sans publication pour les produits fabriqués uniquement à des fins de R&D.

2)    Sous-traitance

La situation des Petites et Moyennes Entreprises (PME) apparaît comme une préoccupation majeure de la Commission qui souligne les nombreuses mesures prises à leur profit au travers du code de conduite de l’AED, de l’initiative « Recherche au profit des PME » et de la directive MPDS qui comporte, outre ses dispositions relatives à la transparence et à la libre-concurrence et à son considérant 40, six articles spécifiquement consacrés à la sous-traitance (articles 21 et 50 à 54).
L’approche de la Commission part du principe que les sous-traitants bénéficieront de l'ouverture des marchés de la défense nationale s’ils ont accès aux chaînes d'approvisionnement des grands intégrateurs de systèmes situés dans autres États membres.
Il s’agit de favoriser la concurrence dans la chaîne d’approvisionnement en écartant les pratiques d’attribution de marchés de sous-traitance au titre de compensations.
Les dispositions de sous-traitance de la directive sont construites sur le principe de non-discrimination et  les marchés passés conformément aux règles spécifiques énoncées dans le Titre III (articles 50 à 54). L’article 21 (1) précise également qu’il ne peut être exigé du soumissionnaire « qu’il se comporte de manière discriminatoire à l’égard de sous-traitants potentiels en raison de leur nationalité ».
Les marchés de sous-traitance peuvent être passés selon l’ensemble des procédures prévues par la directive, y compris la procédure négociée sans publication d'un avis de marché.
L’article 21 prévoit également que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice peut obliger un adjudicataire à sous-traiter une partie du contrat et intervenir dans la méthode de sélection des sous-traitants (1). Toutefois, l’article 50 libère de ces exigences « les entreprises qui se sont groupées pour obtenir le marché » et « les entreprises qui leur sont liées ». Les conditions prévues par l’article 21 ne préjugent pas pour autant « la question de la responsabilité de l’opérateur économique principal » (7).
L’article 21 de la directive prévoit plusieurs options pour la sous-traitance que les États-membres pourront aménager dans le cadre des transpositions nationales :
-  l'adjudicataire décide la part de sous-traitance, son périmètre et à qui l’attribuer (le pouvoir adjudicateur se limite à vérifier la fiabilité et la sécurité de la chaîne d'approvisionnement) ;
- l'adjudicataire décide la part de sous-traitance et son périmètre - le pouvoir adjudicateur décide des sous-contrats à publier ;
- le pouvoir adjudicateur décide la part de sous-traitance à mettre en concurrence (au maximum 30% de la valeur du marché) - l'adjudicataire décide du périmètre concerné. A ce propos, le considérant 40 rappelle que « la bonne organisation de la chaîne d'approvisionnement de l’adjudicataire » ne doit pas être compromise ;
- le pouvoir adjudicateur fixe un pourcentage minimum de sous-traitance à mettre en concurrence et impose une mise en concurrence pour certains contrats que le soumissionnaire entend sous-traiter au-delà de ce pourcentage.
L’ensemble des exigences relatives à la sous-traitance seront indiquées dans l’avis de marché, notamment les critères objectifs et non discriminatoires appliqués pour sélectionner les sous-traitants, notamment ceux qui peuvent conduire à rejeter les sous-traitants potentiels.
Dans tous les cas, l'offre doit contenir les renseignements et documents nécessaires à l’évaluation des capacités attendues, notamment en matière de sécurité des informations.
L’article 52 (6) donne aux États membres la possibilité d’attribuer des contrats de sous-traitance sur la base d’un accord-cadre conclu conformément aux règles énoncées au titre III, sous réserve que l’accord n’excède pas sept ans et ne soit pas utilisé « de façon abusive ou de manière à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence ». Ce type d’accord est de nature à favoriser la constitution d’ une chaîne d'approvisionnement reposant sur des sous-traitants sélectionnés d'une manière transparente et non discriminatoire.
Toutefois, l'adjudicataire n’est pas tenu de sous-traiter s’il prouve qu'aucun des sous-traitants participant à la compétition ou qu’aucune des offres proposées ne répondent aux critères indiqués dans l'avis de sous-traitance et l’empêchent ainsi de remplir les exigences énoncées dans le contrat principal.
Conformément à la logique de la directive, l'article 51 prévoit que « le soumissionnaire retenu agit dans la transparence et traite les sous-traitants potentiels sur un pied d’égalité et de manière non discriminatoire ».
Même si un candidat sous-traitant ne peut lancer une procédure de recours contre l’adjudicataire du marché principal (la procédure ne concerne que les marchés de travaux, de services ou de fournitures visés à l’article 2), il convient de considérer que le droit des contrats peut être utilisé par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice contre un adjudicataire défaillant au titre des règles de sous-traitance du contrat principal.
L’usage montrera si le souhait de la Commission de favoriser la concurrence dans la chaîne d’approvisionnement et d’écarter la pratique des compensations se concrétisent dans les transpositions nationales puis dans la pratique. Si la discrimination sur la nationalité est interdite par la directive et si l’ensemble des procédures de passation sont autorisées pour les marchés de sous-traitance, y compris les accords-cadres, la possibilité du pouvoir adjudicateur d’intervenir sur la part de sous-traitance et d’imposer une mise en concurrence demeure optionnelle pour la transposition. Certes, les responsabilités sont équilibrées puisque l’adjudicataire n’est pas tenu de sous-traiter si cela l’empêche de remplir les exigences du contrat et le pouvoir adjudicateur a pour sa part la possibilité de faire valoir ses exigences en recourant au droit des contrats, mais une transposition trop hétérogène des options et la possibilité de recourir aux exemptions risque d’atténuer l’effet de la directive sur la pratique des compensations. Restent la transparence et la non discrimination qui peuvent laisser espérer un sort meilleur aux PME.

C.   Des alternatives aux exemptions

Ce cadre et les opportunités qu’il offre sont de nature à limiter l’intérêt pour les États membres de recourir à l’article 296. La Directive offre par ailleurs de nombreuses alternatives aux exemptions, qu’il s’agisse des outils de sélection des candidats en fonction de critères de performance, de fiabilité, de compatibilité avec les normes européennes, des moyens d’information les concernant ou encore de la mise en œuvre de programmes en collaboration entre États membres.

1)    Intérêt de l’article 346 TFUE (ex-article 296 TCE)

Le recours à l’article 296 TCE dont les principes ont été exposés en II. A. 1) permet aux États-membres d’échapper au cadre réglementaire imposé aux marchés de défense par l’Union et par voie de conséquence au contrôle de la Commission ou aux procédures éventuelles portées devant la CJUE par des soumissionnaires non retenus. Il leur permet surtout de privilégier leurs industries nationales de défense et les emplois directs ou indirects qu’elles génèrent, de soutenir l’investissement ainsi que d’assurer la sécurité de leurs approvisionnements. Nombre d’intérêts essentiels qui relèvent de leur sécurité, de leur prospérité et de leur souveraineté.
Toutefois, son utilisation systématique contribue à la fragmentation du marché de la défense qui se manifeste par des barrières à l’entrée écartant tout risque de concurrence mais aussi toute opportunité de renouvellement des acteurs économiques et une perte de compétitivité qui décourage l’innovation et fragilise la BITDE.
Dans ce contexte, un recours trop fréquent à l’article 296 ne semble pas profitable à long terme car une ouverture progressive et contrôlée du marché apparaît nécessaire pour entretenir une dynamique de concurrence. Toutefois, la plupart des contingences spécifiques aux besoins de la défense telles que les situations d’urgence, la sensibilité des technologies ou la sécurité des approvisionnements qui requièrent des procédures, des clauses et des garanties particulières n’étaient jusqu’à présent pas prises en compte par le corpus légal et réglementaire des marchés publics, tant au niveau européen que national. Même la Directive 2004/18/CE[5] est considérée inadaptée à de nombreux marchés de défense, puisqu'elle ne prend pas en compte les caractéristiques spécifiques à ce secteur. Les responsables de marchés de la défense l’appliquent donc peu.
Ainsi, l’invocation des intérêts essentiels de sécurité par un État-membre pour justifier le choix d’une procédure négociée sans publication d’avis de marché semble vouée à intervenir dans un nombre de cas plus restreints, qu’il s’agisse de questions de protection d’informations sensibles ou de production ou de commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre. En effet, les possibilités offertes par la directive 2009/81 gomment la plupart des arguments tant économiques que sécuritaires qui conduisaient jusqu’à présent à recourir à l’article 296 : sécurité de l’information, sécurité des approvisionnements, entretien de savoir-faire spécifiques, etc.
Toutefois, l’intérêt essentiel des États ne peut pas être remis en question sur des domaines de souveraineté ou considérés comme vitaux, toutes questions qui imposent de préserver un « ultima ratio regum » qui continuera à s’appuyer sur l’article 296. Mais peut-on en délimiter précisément le périmètre ? Il existe par exemple de nombreux systèmes qui n’intègrent qu’en partie des technologies sensibles pour lesquelles les notions de souveraineté ou de secret peuvent être invoquées. Si les domaines comme le nucléaire ou la cryptologie ne posent pas question, qu’en est-il d’un vecteur multi-rôle comme le Rafale qui peut mettre en œuvre l’armement nucléaire ou d’un avion de patrouille maritime comme l’Atlantique 2 qui participe à la sécurité des SNLE[6] ?
Partant du constat qu’une communication  interprétative était le seul instrument approprié pour clarifier les conditions d'application de l'article 296 TCE, la Commission a tenté de préciser les contours d’une application raisonnée de cet article et elle a préconisé de l’accompagner d’une nouvelle directive spécifique à la défense. C’est désormais chose faite avec la transposition dans les législations et réglementations nationales de la directive MPDS.
D’après un rapport de l’UEO, la position de la France à propos de la Communication interprétative est qu’elle « n’apporterait aucun élément nouveau permettant d’atteindre l’objectif visé qui est d’accroître l’efficacité des dépenses de défense et de renforcer la BITD européenne »[7]. A l’époque, le gouvernement souhaite la mise en place d’« un outil intergouvernemental et expérimental de rationalisation du marché », un code de conduite (CoC) sur la politique d’acquisitions à élaborer et à mettre en place dans le cadre de l’Agence européenne de défense, ce qui est fait dès mars 2005, avant même la Communication de la Commission[8]. Si les principes du CoC font l’objet d’un large consensus entre les Etats européens, des divergences apparaissent dans la manière de les appliquer, les besoins, les capacités industrielles et les intérêts étant hétérogènes.
En matière de défense, les Français considèrent comme nécessaire et urgent de mettre en place des capacités pour les opérations militaires de moyenne et de forte intensité alors que la PSCD et les choix capacitaires qui en découlent orienteraient la BITDE vers des équipements qui ne correspondent pas aux besoins prioritaires des forces françaises ni aux points forts de son industrie de défense. C’est ainsi que le gouvernement français privilégiera le partenariat avec le Royaume-Uni en matière de sécurité et de défense, car la distance séparant les orientations stratégiques des deux pays s'est réduite depuis le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN. Les opérations récentes en Libye ont par ailleurs démontré l’intérêt d’un tel rapprochement.
Pour sa part, le Royaume-Uni demeure à l’époque dépendant de ses fournisseurs extérieurs, notamment américains et les britanniques considèrent qu’il convient d’améliorer l’efficacité des mécanismes existants. Dans cette logique, ils estiment qu’il convient plutôt de clarifier les règles communautaires relatives aux marchés de défense et de veiller à leur application par les États membres. Toutefois, ils préfèreront le CoC, démarche intergouvernementale et volontaire, à une directive : « Il est évident que nous nous serions opposés à toute réglementation qui a des effets sur l’application de l’article 296 TICE ou qui tend à la réglementer »[9].
Observera-t-on un infléchissement de l’emploi de l’article 346 TFUE et faut-il faire une liste exhaustive actualisée des produits auxquels il s’applique ? Le retour d’expérience sur l’application du nouveau cadre et la jurisprudence à venir permettront sans doute de répondre à ces questions.

2)    Alternatives aux exemptions

La directive 2009/81 comporte des dispositions qui prévoient des cas d'exclusion dont certains découlent des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE,  les autres  répondent pour leur part à certaines spécificités des marchés de défense et de sécurité :
- Marchés passés en vertu de règles internationales (Article 12);
- Informations essentielles pour la sécurité (Article 13(a));
- Activités intéressant le renseignement (Article 13(b);
- Programmes menés en coopération (Article 13(c));
- Contrats passés en zone d'opérations extérieures (Article 13(d));
- Marchés passés entre gouvernements (Article 13(f)).
La directive offre par ailleurs de nombreuses alternatives aux exemptions en proposant des outils à même de répondre aux exigences des pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicatrices en matières de garanties relatives à la fiabilité des soumissionnaires et de leurs sous-traitants, de sécurité de l’information et des approvisionnements ou encore de propriété intellectuelle. Pour ce faire, ils disposent de procédures de sélection des candidats en fonction de critères de performance, de prix ou plus généralement de compatibilité avec les normes européennes.
Afin d’inviter les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices à s’inscrire dans ce cadre et à réduire progressivement le champ des « intérêts essentiels » justifiant un recours à l’article 346 TFUE, l’Article 11 de la directive rappelle que les exclusions ne peuvent être utilisées « aux fins de se soustraire aux dispositions de la présente directive », ceci afin de garder à l’esprit que la jurisprudence de la CJUE prohibe toute utilisation non justifiée de procédures dérogeant aux règles de transparence et de libre concurrence.
Le considérant 45 prévoit également « la possibilité pour les États membres d'instaurer des listes officielles d'entrepreneurs, de fournisseurs ou de prestataires de services ou une certification par des organismes publics ou privés ». L’habilitation des entreprises vient s’ajouter aux outils à même de faciliter les procédures et d’instaurer la confiance entre les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices et les opérateurs économiques.
Quoiqu’il en soit, la possibilité d’utiliser des critères de sélection très précis pour l’examen des offres et le choix des motifs permettant d’écarter les opérateurs économiques jugés douteux donne suffisamment de latitude aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices pour exprimer leurs exigences et identifier les meilleurs candidats.
Enfin, le passage obligé par le nouveau cadre légal et réglementaire issu de la transposition présente non seulement l’intérêt d’autoriser la plupart des exemptions communément requises par les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices, mais surtout celui de protéger ces derniers face à un éventuel recours puisqu’ils pourront se prévaloir d’une démarche conforme à la lettre de la directive.


[1] COM(2007) 764 final, Stratégie pour une industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive [en ligne]. 05/12/2007, p7.
[2] Les transferts intra-communautaires sont hors du champ de la présente étude, ils  relèvent de la Directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté.
[3] DIRECTORATE GENERAL INTERNAL MARKET AND SERVICES. Guidance Note of Directive 2009/81/EC, Security of supply, p.7, disponible sur http://ec.europa.eu/internal_market/publicprocurement/ index_fr.htm.
[4]« Crise : toute situation dans un État membre ou dans un pays tiers, dans laquelle des dommages ont été causés, dont les proportions dépassent clairement celles de dommages de la vie courante et qui compromettent substantiellement la vie et la santé de la population ou qui ont des effets substantiels sur la valeur des biens, ou qui nécessitent des mesures concernant l’approvisionnement de la population en produits de première nécessité; il y a également crise lorsqu’on doit considérer comme imminente la survenue de tels dommages; les conflits armés et les guerres sont des crises au sens de la présente directive » (Définition tirée de l’article premier de la directive 2009/81/CE).
[5] L’article 14 de la Directive 2004/18/CE dispose que : "La présente directive ne s'applique pas aux marchés publics lorsqu'ils sont déclarés secrets ou lorsque leur exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité, conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives en vigueur dans l'État membre considéré, ou lorsque la protection des intérêts essentiels de cet État membre l'exige."
[6] Sous-marin Nucléaire Lanceur d’Engins.
[7] Document A/1917, 6 décembre 2005, Le marché européen des équipements de défense : l’article 296 du Traité instituant la Communauté européenne et le Livre vert de la Commission européenne – Réponse au rapport annuel du Conseil, Rapport présenté au nom de la Commission technique et aérospatiale par M. Franco Danieli, rapporteur (Italie, Groupe libéral). Disponible sur http://www.assembly-weu.org
[8] Le « Code de conduite » a été signé par les 24 États membres de l’AED (sauf  le Danemark qui bénéficie d’une exemption en matière de défense) et mis en œuvre par l’Agence européenne de défense à partir du 1er juillet 2006. Il repose sur cinq principes :
-    approche volontaire et non contraignante ;
-    traitement juste et égal des fournisseurs ;
-    transparence et une responsabilité mutuelle ;
-    appui mutuel ;
-    intérêt mutuel.
[9] Document A/1917, op.cit., p.22.

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